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L’essor de l’économie collaborative dans la supply chain : vers une mutualisation intelligente des ressources

L’essor de l’économie collaborative dans la supply chain : vers une mutualisation intelligente des ressources

by Romuald

Économie collaborative et supply chain : une convergence en pleine mutation

Au cours des dernières décennies, la logistique et la supply chain traditionnelle ont répondu à une logique d’optimisation interne et de rationalisation des processus. Toutefois, dans un contexte de pressions économiques, d’exigences environnementales croissantes et de transformation numérique, un modèle alternatif émerge : celui de l’économie collaborative appliquée à la supply chain. Ce concept, fondé sur la mutualisation des ressources et la coopération entre acteurs, redéfinit les contours de la chaîne d’approvisionnement moderne.

L’économie collaborative dans la supply chain repose sur l’idée de partager des capacités ou des services – entrepôts, véhicules, données, plateformes technologiques – entre plusieurs entreprises, souvent concurrentes, pour réduire les coûts, augmenter la flexibilité et améliorer l’empreinte écologique. Cette approche marque un tournant vers une gestion plus agile, dynamique et résiliente.

Les moteurs de la croissance de l’économie collaborative dans la logistique

Plusieurs facteurs structurels contribuent à l’essor de cette nouvelle forme de coopération logistique. Parmi eux :

  • La montée en puissance du e-commerce : La croissance du commerce en ligne, estimée à +13% en Europe en 2023 selon Eurostat, engendre un besoin croissant en capacité logistique, souvent sous-utilisée par certaines entreprises durant les périodes creuses.
  • La digitalisation des opérations : Le développement des plateformes numériques permet d’automatiser le partage de l’information logistique en temps réel, facilitant la mutualisation des ressources.
  • Les objectifs de développement durable : Les entreprises cherchent à réduire leur empreinte carbone. Mutualiser les flux et optimiser les tournées de livraison via l’économie collaborative contribue à cet objectif, notamment en diminuant le taux de camions circulant à vide.
  • Les pressions sur les coûts logistiques : Dans un environnement inflationniste, beaucoup d’acteurs économiques voient dans la supply chain collaborative un levier de compétitivité.

Principaux modèles de mutualisation dans la supply chain collaborative

La mutualisation des ressources dans le secteur logistique peut prendre plusieurs formes, allant du co-chargement à la coentreprise logistique. Voici les typologies les plus répandues :

  • Le groupage collaboratif : Plusieurs entreprises partagent un même camion pour transporter leurs marchandises sur une même route ou zone géographique.
  • La mutualisation d’entrepôts : Des entreprises avec des besoins saisonniers ou variables coexistent dans un même entrepôt partagé, optimisant ainsi l’utilisation des espaces de stockage.
  • Les plateformes numériques de mise en relation : Ces plateformes, telles que Fretlink, Transporeon ou Shipper, permettent la rencontre entre expéditeurs et transporteurs, chacun mettant à disposition ou recherchant des capacités.
  • La logistique urbaine partagée : Dans les zones denses, des entreprises mutualisent les livraisons du dernier kilomètre pour limiter le trafic et les émissions de CO2.
  • La synergie intersectorielle : Des industriels de secteurs différents partagent leurs flux, comme dans le cas de Renault Trucks et Auchan, qui ont mené des expérimentations communes de livraison optimisée.

Exemples concrets de mise en œuvre de la supply chain collaborative

Selon une étude menée par le cabinet PwC, 57 % des dirigeants de la logistique considèrent la collaboration logistique comme un facteur stratégique d’innovation. Plusieurs cas emblématiques témoignent de cette tendance :

  • Carrefour & Ferrero : Ces deux géants ont mis en place une mutualisation de leurs transports pour réduire de 25 % leurs émissions de CO2 sur certaines lignes de distribution tout en réduisant leur coût de 8 %.
  • Groupe La Poste : Avec sa plateforme collaborative mutualisée Colissimo, La Poste coopère avec des entreprises de plus petite taille pour optimiser le remplissage et les itinéraires de ses camions de livraison.
  • Chronotruck : Cette solution permet à des transporteurs de rentabiliser les trajets à vide en acceptant des charges additionnelles en temps réel, grâce aux technologies d’intelligence artificielle et de géolocalisation.

Les bénéfices observés d’un modèle collaboratif pour les entreprises

La mutualisation intelligente des ressources présente des résultats mesurables pour les entreprises qui adoptent ce modèle. Parmi les principaux bénéfices observés :

  • Réduction des coûts logistiques : En moyenne, la mutualisation permet une diminution de 10 à 15 % des coûts opérationnels selon l’AFILOG (Association des acteurs de la logistique).
  • Amélioration de la performance énergétique : Le groupage et l’optimisation des tournées contribuent à une réduction des émissions de CO2 pouvant atteindre 30 %, selon une étude conjointe du Ministère de la Transition Écologique.
  • Flexibilité accrue : Partager des capacités logistiques permet de mieux absorber les pics d’activité sans surinvestissements.
  • Accès aux compétences et aux technologies : Les alliances permettent de mutualiser les investissements dans les outils numériques, la data logistique ou encore l’automatisation.

Freins et limites à la généralisation de la supply chain collaborative

Si l’économie collaborative dans la supply chain offre des opportunités indéniables, elle reste encore sous-exploitée à grande échelle. Plusieurs obstacles freinent sa généralisation :

  • Manque de confiance entre acteurs : Partager ses données, ses flux ou ses ressources nécessite une confiance réciproque difficile à établir, notamment entre concurrents.
  • Cadre juridique trop flou : La répartition des responsabilités en cas de litige logistique sur des flux partagés reste complexe à encadrer.
  • Complexité opérationnelle : Coordonner plusieurs flux appartenant à des entreprises différentes impose une planification logistique plus fine et une compatibilité des systèmes de données.
  • Manque de standardisation : Les différences de palettes, de modèles de conditionnement ou de systèmes d’information constituent un frein technique à la mutualisation complète.

Vers une supply chain plus durable et résiliente grâce à l’économie collaborative

Les chaînes d’approvisionnement de demain ne seront pas seulement digitales, elles devront aussi être interconnectées. La logique de silo tend à s’effacer progressivement au profit d’un fonctionnement en réseau, où la collaboration devient un facteur clé de différenciation stratégique. À condition de lever les freins culturels, juridiques et technologiques, l’économie collaborative constitue une réponse crédible aux enjeux de volatilité de la demande, de réduction des coûts et de transition écologique.

Les plateformes collaboratives, couplées à des technologies de gestion intelligente des données (IA, IoT, blockchain), sont en train de redéfinir les règles de la logistique. Elles dessinent une supply chain plus agile, dont les capacités s’ajustent intelligemment à la demande, en temps réel. Cette transformation appelle également une évolution des compétences en logistique : les profils hybrides, capables d’intégrer à la fois la gestion opérationnelle, les outils numériques et la conduite du changement, sont de plus en plus recherchés.

En définitive, la mutualisation intelligente des ressources n’est plus une option. Elle s’inscrit comme un levier stratégique, à la croisée des enjeux économiques, écologiques et technologiques, pour construire une supply chain durable, compétitive et résiliente.

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