Exosquelettes et logistique : une réponse aux enjeux d’ergonomie en entrepôt
L’univers de la logistique est confronté à des défis croissants liés à l’ergonomie, à la sécurité des travailleurs et à l’optimisation de la productivité. Dans les entrepôts, les tâches répétitives, le port de charges lourdes et les postures contraignantes sont à l’origine de nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS). Face à ces enjeux, les exosquelettes industriels apparaissent comme une solution innovante pour préserver la santé des opérateurs tout en améliorant les performances opérationnelles des centres logistiques.
Les exosquelettes, autrefois limités aux secteurs médicaux ou militaires, font désormais leur entrée dans les environnements industriels, et plus particulièrement dans la chaîne logistique. À mi-chemin entre la robotique et l’ingénierie biomécanique, ces dispositifs portables sont conçus pour assister le mouvement, diminuer la charge physique sur certaines zones du corps et optimiser les gestes professionnels.
Définition et fonctionnement des exosquelettes logistiques
Un exosquelette est un dispositif d’assistance corporelle qui peut être passif (sans alimentation énergétique) ou actif (motorisé). Il se porte sur le corps et agit comme un support externe pour soulager les articulations et réduire l’effort physique. En entrepôt logistique, les modèles les plus utilisés sont les exosquelettes lombaires, dorsaux et de soutien des membres supérieurs.
Leur fonctionnement repose sur des ressorts mécaniques, des moteurs électriques ou des capteurs de mouvement, selon le modèle. Ils détectent l’intention de l’utilisateur, accompagnent les mouvements et redistribuent les charges physiques de manière plus ergonomique. Cela permet notamment :
- de soulager les lombaires lors des flexions ou soulèvements de charges,
- de stabiliser les épaules dans les opérations de manutention en hauteur,
- de maintenir une posture droite prolongée sans efforts excessifs.
Réduction des troubles musculo-squelettiques (TMS) : un enjeu prioritaire
Les TMS représentent aujourd’hui 87 % des maladies professionnelles reconnues dans le secteur de la logistique, selon l’Assurance Maladie – Risques professionnels. Ils sont non seulement une cause majeure d’absentéisme, mais également un facteur de perte de performance organisationnelle. Les entreprises cherchent donc activement des solutions préventives à intégrer dans leurs protocoles de santé au travail.
Des études démontrent que l’utilisation d’exosquelettes peut réduire de 30 % à 50 % l’activité musculaire dans certaines zones du corps. Cela réduit la fatigue en fin de poste, diminue le risque de blessure et améliore le bien-être des opérateurs. À moyen et long terme, cela représente aussi une économie significative sur les coûts liés aux arrêts de travail et à la rotation du personnel.
Productivité en entrepôt : un levier de performance grâce aux exosquelettes
L’introduction des exosquelettes dans les entrepôts logistiques ne se limite pas à des bénéfices ergonomiques. Ils constituent également un outil de productivité dans un secteur où la demande de rapidité et d’efficacité est en constante augmentation. À l’ère du e-commerce et de la livraison 24 heures, les acteurs logistiques doivent traiter un volume croissant de commandes, souvent avec les mêmes effectifs.
Les entreprises qui ont intégré les exosquelettes dans leurs processus font état d’améliorations notables :
- Des cycles de travail plus longs sans baisse de performance physique,
- Une réduction des temps de récupération entre les tâches,
- Une baisse des erreurs induites par la fatigue,
- Une satisfaction accrue des employés, améliorant leur rétention.
Dans certains cas, la productivité individuelle des opérateurs a augmenté de 10 % à 15 %, selon les données publiées par des industriels du secteur tels que German Bionic et Hilti.
Quels types d’exosquelettes pour la logistique ?
Le choix de l’exosquelette dépend des tâches à effectuer dans l’environnement logistique. Plusieurs types de produits ciblent des besoins spécifiques :
- Exosquelettes lombaires : conçus pour soulager le bas du dos lors des flexions et soulèvements fréquents. Exemples : Laevo, Japet.W.
- Exosquelettes des membres supérieurs : utiles pour les opérations de levage des bras ou les tâches au-dessus de la tête (stockage en hauteur). Exemples : Skelex, Hilti EXO-O1.
- Exosquelettes complets motorisés : plus adaptés aux environnements industriels lourds, peu fréquents en logistique traditionnelle du fait de leur coût et de leur encombrement.
Pour les exploitants logistiques, le plus courant reste l’exosquelette passif, qui nécessite peu ou pas de maintenance et qui est également plus économique à l’achat – avec des prix d’entrée de gamme à partir de 1 500 € par unité.
Critères d’intégration dans les entrepôts logistiques
L’intégration réussie des exosquelettes dans un entrepôt repose sur plusieurs conditions :
- L’analyse ergonomique des postes : il est essentiel d’identifier les tâches les plus à risque pour définir les profils d’utilisateurs pertinents.
- La formation des opérateurs : même si la prise en main est intuitive, un accompagnement est requis pour garantir une utilisation optimale et sécurisée du dispositif.
- Le suivi d’efficacité : mesurer l’impact réel sur la santé et la productivité permet de justifier l’investissement et d’ajuster les procédures si nécessaire.
Certains prestataires proposent même des audits ergonomiques complets pour accompagner les entreprises dans ce changement organisationnel.
Retour d’expérience : vers une standardisation des exosquelettes en logistique ?
Des groupes comme Volkswagen, DB Schenker ou Decathlon ont expérimenté l’usage des exosquelettes dans leurs entrepôts. Les retours sont majoritairement positifs, notamment chez les opérateurs ayant des antécédents de douleurs chroniques. Toutefois, les responsables HSE soulignent l’importance de contextualiser cet outil : l’exosquelette n’est pas une solution universelle, mais un complément à une politique de prévention globale incluant l’ergonomie des postes, la formation aux gestes et postures, et la limitation des charges.
À mesure que les technologies évoluent et que les prix baissent, les exosquelettes pourraient devenir des équipements standards dans les entrepôts de demain, au même titre que les gilets de sécurité ou les transpalettes électriques.
Perspectives d’avenir pour les exosquelettes industriels
Le marché mondial des exosquelettes est en pleine expansion, avec une croissance estimée à 42 % par an selon le rapport MarketsandMarkets, pour atteindre 5,8 milliards de dollars d’ici 2028. En Europe, la logistique figure parmi les segments porteurs aux côtés du bâtiment et de l’industrie manufacturière.
À court terme, la miniaturisation des composants, l’augmentation de l’autonomie des exosquelettes actifs et l’intégration de capteurs connectés vont renforcer leur ergonomie et leur valeur ajoutée. Les données collectées pourraient même, demain, alimenter des systèmes d’amélioration continue dans les entrepôts grâce à l’analyse des mouvements et à la détection précoce des risques de fatigue.
Les directions logistiques qui souhaitent maintenir leur compétitivité devraient donc envisager les exosquelettes comme un investissement stratégique, à la croisée de la santé au travail, de la performance opérationnelle et de l’innovation industrielle.
